Empreinte aux Marquises

BACK TO PHOTO
 

Marquesan Print

Coming from Europe, it takes more than two days to get to the Marquesas islands. After a brief stop in Tahiti, I flew two more times in tiny planes to join a couple of Swiss journalists who were sailing on their boat called Chamade. Marc Decrey and Sylvie Cohen invited me in this very special spot in the world to meet Teiki Huukena, a traditional tattoo artist from the Marquesas islands who is currently researching the roots of his culture to write a book about it.

And so it all started with the tattoos. I had seen some tribal ones from Oceania, but never from the Marquesas in particular. They are, in some ways, comparable to the ones made in Tahiti, although each area has its own traditions in order to mark its territory and define its identity.

When the French took control of the islands, they did everything they could to abolish any language they wouldn’t understand including tattoos. Looking closely at them, one can easily see stories told on the skin, inspired by the gods and spirits of Nature as a form of protection. Even if the Tiki – literally meaning man-god, a mythical character who fathered mankind – is still highly respected and often replicated, Catholicism supplanted old beliefs so much that today’s superstitions prevent from any evocation of yesteryear’s deity.

Since the beginning of my research, I could directly see similarities with shamanic aspects, a topic I have been studying for many years in several parts of the world. In concrete terms, a shaman percieves other dimensions, other realities, guided by his spirits who often send him messages to interpret through symbols. But in order to respect the local beliefs, I decided to work by association of ideas, concentrating around the tattoos as main element, describing it through Nature as I encountered it : scratches inscribed in trees, lines in the ground, marks in rocks, similar shapes in different matters. Marquesan people keep a very instinctive approach in their way of living and Nature often guides their actions. Spoken words remain silent when it comes to supernatural things, yet everything is there, protecting mysteries.

All these triptyches form stories like those engraved in the skin. Bodies, Nature and matters blend, mix, melt, imbricate in each others, and leave a furtive track of their being. What they evoke, the way they are reunited, is being revealed by intuition.

Pour arriver aux Marquises, il faut plus de deux jours de voyage. Après une brève acclimatation à Tahiti, j’ai pris deux vols supplémentaires dans de petits coucous pour rejoindre un couple de journalistes suisses qui parcourt les océans au bord de leur voilier Chamade. Marc Decrey et Sylvie Cohen m’ont invitée à les rejoindre dans ce coin si particulier de la planète pour suivre Teiki Huukena, un tatoueur marquisien à la recherche de ses racines pour élaborer un dictionnaire de la langue marquisienne.

Tout est donc parti du tatouage. J’en avais vu de nombreux dits « tribaux » d’Océanie, mais jamais ceux des Marquises. Ils ont des traits semblables aux tatouages de Tahiti, mais chaque région a ses traditions, comme pour marquer son territoire et définir son identité.

Lorsque les Français ont pris possession des lieux, ils ont tout fait pour supprimer tout langage qu’ils ne comprenaient pas, à commencer par les tatouages. A les regarder de près, on se rend compte immédiatement qu’ils racontent des histoires, qu’ils s’inspirent des esprits et de la nature en guise de protection. Même si le Tiki – littéralement l’homme-dieu, personnage mythique qui engendra les humains – est encore grandement respecté et souvent reproduit, le catholicisme a supplanté les anciennes croyances, si bien qu’aujourd’hui les superstitions empêchent toute évocation aux divinités d’antan.

Dès le début de mes recherches, j’ai vu directement des similitudes avec une forme de chamanisme, un thème que j’étudie depuis de nombreuses années dans plusieurs régions de la planète. Concrètement, un chaman perçoit d’autres mondes, d’autres réalités, inspiré par ses guides qui lui livrent souvent des messages sous forme de symboles à interpréter. Mais pour respecter les croyances locales, j’ai décidé de travailler par associations d’idées, me concentrant sur le tatouage comme élément principal, le déclinant avec la nature telle que je la découvrais : des traces inscrites dans les arbres, des lignes dans la terre, des marques dans la pierre, des formes qui se ressemblent malgré les matières. Les Marquisiens gardent dans leur mode de vie une approche très instinctive et la nature guide encore souvent leurs actes. Les mots ne s’expriment plus à voix haute pour parler de ce qui est extra-ordinaire, et pourtant, tout est là, silencieux, préservant ses mystères.

Tous ces triptyques forment des histoires, comme celles gravées sur la peau. Les corps, la nature et les matières se mélangent, se fondent, se rassemblent, s’imbriquent, se marquent et laissent derrière eux la trace furtive de leur existence. Ce qu’ils évoquent, ainsi réunis, se révèle par l’intuition.